Ce qui suit constitue le bilan des faits connus à la date du 5 février 2005.
Ce bilan reprend toutes les hypothèses envisageables compte tenu des circonstances.
Il fait appel à des connaissances techniques qui ne peuvent être exposées dans le détail.
Il résulte toutefois d'un débat complet entre professionnels, notamment sur les forums d'Eurocockpit.
Il révèle des faits nouveaux sur les conditions d'exploitation à Flash Airlines et pointe certaines responsabilités.
|
Commençons par les ailerons. Y a-t-il eu un problème avec la commande de roulis ?
Seuls deux types de pannes peuvent être envisagés. Le type "lâchage" (les
ailerons ne répondent plus, à un moment ou à un autre, comme ils le devraient
aux mouvements des volants) et le type blocage (total, partiel, limité dans une
fourchette de valeurs, simple grippage...).
1-a. Lâchage des ailerons.
Les enregistrements montrent une concordance permanente du mouvement des volants
et de ceux des ailerons. La discussion est close.
1-b. Blocage des
ailerons (n'importe où dans la chaîne de transmission). Rien ne permet de le
suspecter. On voit que les commandes bougent. Il est vrai que les amplitudes
sont généralement faibles, ce qui en toute rigueur oblige à envisager une
limitation de débattement, mais, dans les sept dernières secondes on voit des
mouvements francs du volant, les ailerons qui suivent et une réponse nette de
l'avion qui passe de 111°D à 14°D en six secondes. Au moins à la fin, le blocage
est écarté. Mais dans la période précédente, c'est-à-dire toute la période de
roulis vers la droite (de 2:43:35 à 2:44:58, soit plus d'une minute et vingt
secondes), qu'en est-il ? Les analyses comparées du CVR et du DFR montrent qu'une
limitation de débattement ou un grippage sont exclus. En effet, si tel avait été
le cas, le commandant l'aurait dit, il aurait demandé l'aide du copilote (et il
n'aurait pas demandé le PA qui ne peut être d'aucun secours dans ces
circonstances), il aurait agi sur le palonnier et, surtout, il aurait maintenu
le volant en butée gauche
du débattement possible et on ne verrait pas toutes les oscillations qui
apparaissent sur le DFR. Ceci montre bien qu'il n'y a pas eu blocage des
ailerons, ou limitation du débattement. L'analyse du CVR le confirme : il suffit
de le lire pour voir qu'en aucune manière le commandant ne tiendrait les propos
qu'il a tenus s'il y avait eu blocage ou limitation.
Première conclusions : la commande de roulis est hors
de cause.
2. L'ADI (horizon artificiel) du commandant. Aucune alarme n'est apparue (alarmes
visuelles, flags, voyants...). En effet, rien dans le CVR n'indique qu'une telle
alarme ait pu se manifester. L'analyse du DFR le confirme : tout est normal. Il
faudrait donc envisager une panne sans alarme. C'est à dire la double panne,
brutale. Cela fait beaucoup, sachant que tout est vérifié au moins une fois par
jour (déclenchement des alarmes en cas de panne ADI, transferts automatiques si
existants...). En outre, le CVR montre que c'est le commandant qui, le premier,
annonce un comportement inattendu de l'avion quand celui-ci part à droite, ce
qui tend à confirmer que son ADI fonctionne bien. Et quand on lit le CVR à ce
moment, surtout si, en plus, on corrige les erreurs de traduction (il faut
remplacer "AH" par "yes", par exemple), on voit bien que le commandant a compris
que l'avion partait à droite. Donc son ADI fonctionne et ce n'est donc pas en
raison d'une panne de l'ADI commandant, associée à une panne des systèmes de
surveillance et de tranfert, que l'avion est parti à droite.
Deuxième conclusion : après la commande de roulis,
l'ADI commandant doit aussi être mis hors de cause. Il ne reste alors plus
grand'chose.
3. Sans dissymétrie aérodynamique. Ceci entraîne qu'on
tombe dans le "n'importe quoi" le plus total en matière de compétence de
l'équipage. Ce serait le commandant qui aurait entraîné son avion en roulis,
tout en disant "regarde ce que fait l'avion", et il aurait poursuivi ainsi.
Reprenons les faits. A 2:43:35, inclinaison 21°G les becs rentrent et l'avion
commence à partir à droite doucement, la vitesse tourne autour des 190/200 kt
durant cette période et l'avion monte (c'est le DFR). A 43:55 l'avion est à 8°G
et le commandant demande le PA. A 44:18, le commandant dit "regarde ce que fait
l'avion", alors que l'inclinaison est 12°D, le copilote confirme à 44:27 que
l'avion tourne à droite. La vitesse tourne toujours autour des mêmes valeurs,
avion en montée. Le copilote confirme à 44:31 que l'avion tourne à droite, et à
44:32 le commandant dit "yes" (après correction de l'erreur de traduction
facilement vérifiable au vu des trois "yes" de la page 335). Tout ceci montre
bien que les deux pilotes sont parfaitement conscients, à ce moment, de ce qui
se passe. Et ainsi, toujours sans aucune dissymétrie, c'est-à-dire alors que
tout serait normal, qu'il n'y a pas de turbulences, pas de trafic radio, pas
d'intervention du PNC, l'équipage aurait laissé l'avion cesser sa montée,
accélérer, entraînant une augmentation du taux de roulis, puis partir jusqu'à
111°D (on commence à être sur le dos !), passer en descente... Incroyable ! Et
si cela avait été le cas, cela voudrait dire qu'en Egypte on donne des licences
de pilote de ligne à des gens qui ne sauraient même pas faire de la patinette.
Il est vrai que si l'on croit certaines informations qui circulent, la compagnie
appartient à un proche du pouvoir, ce qui facilite les passe-droits, le commandant
a intégré la compagnie directement dans cette fonction, sans être passé par la case
copilote, et en provenance directe de l'armée, un responsable opérationnel de la
compagnie qui s'opposait à ce lâcher direct a
démissionné quelques temps avant l'accident...
4. Reste la
possibilité d'une dissymétrie. Et on en arrive aux bec N°1. Il n'y a qu'à
reprendre tout ce qui a été fait et dit en matière d'analyse sur ce point : si
on exclut l'hypothèse "3" du roulis avec début de mise dos sans dissymétrie en
une minute vingt secondes (probabilité de l'hypothèse : 1%), c'est donc bien, à
99% de probabilité, une rentrée incomplète du bec N°1 qui est à l'origine du
roulis. Avec toutes les constatations relevées à ce sujet, s'agissant des
responsabilités (départ hors tolérance -sans respect de la MEL-, manque
d'entraînement et de compétences de l'équipage, etc. il suffit de revoir tout ce
qui a été écrit à ce sujet...).
| |
|